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Traiter l’hypoglycémie : la règle du 15 grammes de sucre est-elle la recommandation idéale?

Les personnes vivant avec le diabète de type 1 (DT1) connaissent la règle du 15 grammes (g)/15 minutes (min) puisqu’il s’agit de la recommandation actuelle pour le traitement de l’hypoglycémie non sévère (valeur de glycémie < 4,0 mmol/L), c’est-à-dire celle qu’elles sont capables de traiter elles-mêmes, sans l’aide d’une tierce partie.

Puisque chaque personne est différente, que les causes de l’hypoglycémie peuvent être multiples (p. ex., trop d’insuline, activité physique) et que les pompes à insuline en boucle fermée (pancréas artificiels) sont devenues des outils populaires, cette règle des 15 g/15 min est-elle vraiment adaptée pour tous et dans toutes les circonstances? 

Des chercheurs canadiens se sont penchés sur la question : leurs études montrent que la correction d’une hypoglycémie prend en moyenne plus de 15 min et nécessite souvent plus de 15 g de glucides.

Pourquoi 15 g/15 min?

Cette règle a été établie dans les années 1980, alors que les insulines étaient très différentes, les lecteurs de la glycémie en continu n’existaient pas, etc. L’idée est que 15 g de sucre à absorption rapide permettraient généralement d’augmenter la glycémie de manière significative en 15 min. Ce délai semblerait suffisant pour que le corps puisse absorber ces glucides, prévenant ainsi une baisse du taux de sucre encore plus importante et l’apparition de symptômes graves, comme la perte de connaissance.

La règle du 15 g/15 min, toujours recommandée aujourd’hui, préconise aussi que si l’hypoglycémie n’est pas corrigée au bout de 15 min, la personne doit alors reprendre 15 g de sucre, et répéter ceci, tant et aussi longtemps que la glycémie n’est pas revenue au-dessus de 4 mmol/L.

La majorité des personnes qui vivent avec le DT1 prennent plus de 15 g de sucre pour corriger une hypoglycémie

Une étude menée en 2016 auprès de 121 adultes vivant avec le DT1 rapportait que 78 % d’entre eux ont eu au moins un épisode d’hypoglycémie par jour et que la quantité moyenne de glucides utilisée pour corriger leur glycémie a été d’environ 32 g. En fait, 73 % des participants – en particulier les plus jeunes et ceux ayant une plus grande peur de l’hypoglycémie – ont consommé plus de 20 g de sucre et donc ont possiblement surtraité leurs hypos. 

Cette analyse a été la première à tenir compte à la fois du traitement de l’hypoglycémie et des choix de collations prises pour prévenir ou corriger un taux de sucre trop bas.

Les glucides les plus utilisés pour traiter les hypoglycémies étaient les jus de fruits ou boissons sucrées (39 %), ainsi que des collations comme des barres tendres ou des bonbons (29 %). 

Le temps pour corriger l’hypoglycémie serait plus long que ce qu’on pense

Une autre étude réalisée en 2018 sur 27 participants vivant avec le DT1 et utilisant une pompe à insuline a analysé l’efficacité de 16 g de glucides pour traiter l’hypoglycémie. 

Cette étude montre que seulement 38 % des participants ont vu leur glycémie remonter au-dessus de 4 mmol/L en 15 min et qu’il fallait compter en moyenne 19,5 min pour corriger l’hypoglycémie.

Alors, est-ce que les personnes vivant avec le DT1 devraient prendre plus de sucre pour que l’hypoglycémie soit corrigée plus rapidement et de façon durable? Des études sont menées depuis quelques années pour le découvrir.

Prendre plus de sucre lorsque la glycémie est plus basse?

Pour répondre à cette question, des chercheurs ont récemment comparé l’efficacité de 16 g et de 32 g de sucre pour traiter, d’une part des hypoglycémies entre 3,0 et 3,5 mmol/L, et d’autre part des hypoglycémies en bas de 3,0 mmol/L.  

Les résultats montrent que pour les hypoglycémies entre 3,0 et 3,5 mmol/L, seulement une sur cinq était corrigée après 15 min avec 16 g de sucre, contre près de la moitié avec 32 g. Un second traitement (soit 16 g de sucre additionnel) a été nécessaire pour 50 % des participants ayant pris 16  g de sucre et pour 15 % de ceux ayant pris 32 g.

L’étude révèle par ailleurs que, même si la prise de 32g de sucre semble plus efficace pour traiter une hypoglycémie entre 3,0 et 3,5 mmol/L, elle reste insuffisante pour corriger des hypoglycémies en bas de 3,0 mmol/L en 15 min chez la majorité des participants (78 %). D’autres études seront nécessaires pour bien cerner les phénomènes en cause (p. ex., la vitesse de chute de la glycémie) et la quantité de sucre nécessaire pour les traiter.

Et avec les pancréas artificiels?

Les nouvelles pompes à insuline, aussi appelées systèmes de boucle fermée hybrides (ou pancréas artificiels) permettent désormais de suspendre l’administration de l’insuline lorsque l’hypoglycémie est imminente. De ce fait, la quantité de sucre à prendre pour corriger une hypoglycémie devrait-elle être revue à la baisse? On peut en effet se poser la question afin de ne pas surtraiter l’hypoglycémie, et éviter ainsi de se retrouver avec le problème inverse : l’hyperglycémie.

Comme il existe très peu de données sur le traitement de l’hypoglycémie avec ces pompes, une étude a récemment été menée auprès de personnes vivant avec le DT1 et utilisant soit un système de boucle fermée hybride (p. ex., Medtronic 770G, Tandem Control IQ), soit une pompe à insuline expérimentale à double hormone, combinant insuline et glucagon.

Cette étude montre que seulement 45 % des épisodes d’hypoglycémie ont été corrigés en moins de 15 min, avec 16 g de sucre, et que le temps moyen pour corriger l’hypoglycémie était de 21 min, impliquant une reprise de sucre. 

Dans de nombreux cas, les recommandations actuelles de prendre 15 g de sucre ne seraient donc pas excessives pour les deux types de pompe

Prendre des glucides plus tôt pour éviter l’hypoglycémie?

Étant donné que 16 g ou 32 g de glucides ne permettent pas toujours de corriger l’hypoglycémie, et que le temps moyen pour faire remonter la glycémie est souvent supérieur à 15 minutes, une autre étude a été menée pour évaluer la pertinence de prendre du sucre avant que la glycémie ne baisse en bas de 4 mmol/L. Pour ce faire, une baisse de la glycémie a été provoquée par l’administration d’un bolus d’insuline chez 29 participants vivant avec le DT1. Ensuite, ceux-ci ont pris 16 g de sucre lorsque leur glycémie atteignait différents seuils : 5,0 ou 4,5 ou 4,0 mmol/L.

Les résultats n’ont pas encore été publiés, mais les données actuellement récoltées mettent en évidence plusieurs points importants pour les personnes qui vivent avec le DT1 :

  • Plus une chute de glycémie est corrigée tôt, plus il est possible d’éviter une hypoglycémie, ou encore de réduire le temps passé en hypoglycémie et de limiter la prise répétitive de sucre et les hyperglycémies liées au surtraitement. 
  • Les lecteurs de la glycémie en continu sont des outils particulièrement efficaces pour détecter une hypoglycémie imminente grâce aux différentes alertes disponibles et aux flèches de tendance. L’utilisateur peut programmer des alarmes pour être prévenu avant que la glycémie n’atteigne le seuil de 4,0 mmol/L, prendre des glucides par anticipation et ainsi éviter l’hypoglycémie. 
  • Il semble important de réfléchir aux recommandations actuelles de traitement de l’hypoglycémie afin d’aider les personnes vivant avec le DT1 à passer moins de temps en hypoglycémie, mais aussi à ne pas surconsommer de glucides.

D’autres analyses nécessaires

La majorité des études réalisées pour revoir la règle des 15 g/15 min prennent bien en compte certains scénarios qui peuvent conduire à une hypoglycémie, comme un bolus de correction ou une surestimation de la quantité de glucides du repas, mais pas tous (p. ex., une hypo amorcée pendant une marche). L’influence du type de traitement (injections vs pompes), du sexe, du moment de la journée, du type de glucides utilisés (comprimés de glucose vs jus) et de l’insuline active a par ailleurs été très peu étudiée.

Il sera donc important d’analyser ces multiples facteurs avant de pouvoir établir des consignes plus adaptées pour le traitement de l’hypoglycémie. 

Si la règle des 15 g/15 min reste donc une indication utile et recommandée, les récentes recherches montrent qu’il peut être nécessaire d’individualiser le traitement de l’hypoglycémie. 

 

Références :

Savard, V. et al. Treatment of hypoglycemia in adult patients with type 1 diabetes: an observational study. Canadian Journal of Diabetes (2016) 40 (4): 318-23. DOI: 10.1016/j.jcjd.2016.05.008 

Gingras, V. et al. Treatment of mild-to-moderate hypoglycemia in patients with type 1 diabetes treated with insulin pump therapy: are current recommendations effective? Acta Diabetol. 2018; 55(3): 227-231. DOI: 10.1007/s00592-017-1085-8 

Taleb, N. et al. Non-severe hypoglycemia in type 1 diabetes: a randomized cross-over trial comparing two quantities of oral carbohydrates at different insulin-induced hypoglycemia ranges. Accepté dans Frontiers endo.

Taleb, N. et al. Efficacy of treatment of non-severe hypoglycemia in adults with type 1 diabetes using oral carbohydrates during automated insulin delivery with and without glucagon. Canadian Journal of Diabetes (2023). https://doi.org/10.1016/j.jcjd.2023.04.013

Cheng, R. et al. Towards prevention of non-severe hypoglycemia in people living with type 1 diabetes with oral glucose at a higher blood glucose level – The REVERSIBLE randomized controlled trial. Manuscript under preparation.

Écrit par : Nathalie Kinnard, rédactrice scientifique et assistante de recherche

Révisé par :

  • Sarah Haag, RN. BSc.
  • Rémi Rabasa-Lhoret, M.D., Ph.D.
  • Anne-Sophie Brazeau, Dt.P., Ph.D.
  • Claude Laforest, Michel Dostie, Aude Bandini, patients partenaires du projet BETTER

Révision linguistique réalisée par : Marie-Christine Payette

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