Les personnes qui vivent avec le diabète de type 1 (DT1) peuvent en témoigner : cela fait des années que l’on attend la guérison ou une solution technologique au DT1! Même si on ne peut s’attendre à aucune solution miracle dans les prochaines années, l’amélioration constante des technologies pour la gestion du diabète permet de diminuer le fardeau que représente la vie avec cette condition. De plus, bien que toujours insuffisante, l’accessibilité (couverture d’assurance) à ces nouvelles options coûteuses a tout de même évolué au fil des années.
Ainsi, de nouvelles versions de lecteurs de la glycémie en continu (FreeStyle Libre, Dexcom, Guardian) et de pompes à insuline comme les systèmes de boucle fermée hybrides (aussi appelés pancréas artificiels) ne cessent d’être développées afin d’améliorer la gestion des glycémies, leur précision, la simplicité d’utilisation ou encore la qualité de vie des personnes qui les utilisent.
Pour que l’amélioration se poursuive dans le temps, il faudrait peut être prendre du recul, évaluer la situation globale et pointer les améliorations nécessaires. C’est ce que la European Association for the Study of Diabetes (EASD) et la American Diabetes Association (ADA) ont fait pour élaborer le consensus publié récemment qui présente les avantages, les défis et les recommandations liés aux pancréas artificiels.
Pancréas artificiel, de quoi parlons-nous?
Actuellement, on parle de pancréas artificiels ou de systèmes de boucle fermée hybrides pour les pompes à insuline qui communiquent avec un lecteur de la glycémie en continu (p. ex., Guardian 3 ou Dexcom) et ajustent automatiquement une partie de l’insuline administrée.
Cela se fait grâce à un algorithme (programme informatique) qui prend en compte la glycémie pour moduler l’insuline tout au long de la journée afin de minimiser les hypoglycémies (taux de sucre trop bas) et les hyperglycémies (taux de sucre trop haut).
Il existe des systèmes que l’on appelle « commerciaux » (p. ex., Medtronic 670/770/780 G, Tandem Control IQ) qui ont reçu l’approbation réglementaire (p. ex., Santé Canada) et des systèmes « non commerciaux » qui ont été développés par une communauté de personnes vivant avec le DT1 et qui n’ont donc pas reçu l’approbation réglementaire.
Des avantages, des limites et des prérequis
De nombreuses études rapportent les bénéfices de l’utilisation de ces systèmes pour la gestion des glycémies (moins d’hypo/hyperglycémies et une meilleure moyenne glycémique), mais également pour la qualité de vie, notamment en améliorant le sommeil, en réduisant l’anxiété et en soulageant une partie du fardeau de la gestion quotidienne du diabète.
Cependant, si les avantages de ces technologies sont démontrés, le consensus fait également état de certains défis pour l’utilisateur et les professionnels de la santé qui les accompagnent.
En effet, puisqu’il ne s’agit pas encore d’un système à 100 % automatisé, l’utilisateur doit quand même faire des interventions comme entrer le nombre de glucides dans la pompe lors du repas ou trouver des stratégies pour gérer la glycémie lors d’activité physique. De plus, les utilisateurs doivent être suffisamment informés pour être en mesure de détecter et de résoudre certains problèmes du système (p. ex., problème de perfusion, bris de pompe, arrêt du logiciel).
Il existe également des limitations liées à la technologie en elle-même (p. ex., problème de communication entre les dispositifs) ou à son utilisation (p. ex., réactions cutanées liées aux collants des capteurs ou des cathéters, occlusion des dispositifs de perfusion).
Le consensus fait aussi état de l’une des limitations principales de l’utilisation de ces technologies : l’accessibilité. En effet, de nombreuses personnes vivant avec le DT1 ne peuvent pas utiliser ces technologies en raison de leur coût élevé et du manque de couverture par les assurances.
Tenant compte des limitations citées ci-dessus, le consensus mentionne certains prérequis pour toute personne voulant profiter au maximum des avantages que les pancréas artificiels actuels peuvent offrir :
- Posséder les aptitudes et connaissances de base pour utiliser la pompe (p. ex., être à l’aise avec la technologie et le fonctionnement global de la pompe, savoir utiliser le lecteur de la glycémie en continu, maîtriser le calcul des glucides et les autres connaissances de base de la gestion du diabète)
- Avoir des attentes réalistes (p. ex., connaître les limitations de l’appareil et ne pas s’attendre à un miracle)
- Avoir le soutien technique, financier et social nécessaires (p. ex., avoir un suivi par une équipe de soins qui connaît ces dispositifs, avoir une couverture d’assurance)
Une approche globale
Le consensus n’est pas seulement destiné aux personnes vivant avec le diabète, il adresse également certaines recommandations aux organismes de réglementation (p. ex., Santé Canada), aux professionnels de la santé et aux politiques d’accès, etc.
En voici quelques exemples :
- Organismes de réglementation. Le consensus insiste, entre autres, sur la nécessité de définir clairement les étapes et les conditions nécessaires pour qu’une nouvelle technologie puisse obtenir leur approbation ou sur l’importance de déterminer des méthodes pour évaluer les systèmes « non commerciaux » (ou DIY). Plusieurs études suggèrent une bonne efficacité de ces systèmes DIY, mais les données sur la fréquence des problèmes (p. ex., techniques) ne sont pas disponibles.
- Professionnels de la santé. Le consensus appuie par exemple l’importance que les professionnels de la santé aient et maintiennent à jour leurs connaissances sur les technologies disponibles pour pouvoir informer leurs patients des options disponibles, incluant des détails sur les points forts/points faibles de ces technologies. Ils doivent également offrir l’accompagnement nécessaire pour l’utilisation des technologies.
- Politiques d’accès. Face aux problèmes d’accessibilité de ces technologies, le consensus appuie l’importance de tenir compte des inégalités en matière de santé et de tenter de les réduire. En effet, dans certaines provinces au Canada, il est dispendieux pour les adultes d’utiliser une pompe à insuline s’ils n’ont pas d’assurance privée (environ 7 000 $ pour l’achat de la pompe sans compter le prix des fournitures). Au Québec par exemple, l’INESSS (un organisme qui évalue les nouveaux traitements ou technologies pour les soins) a récemment reconnu qu’un remboursement plus large pourrait être justifié.
Ce consensus peut être consulté ici (en anglais seulement)
Par l’état des lieux qu’il dresse et les recommandations émises, le consensus souhaite encourager l’amélioration des pancréas artificiels, favoriser une utilisation sûre et efficace et améliorer l’accessibilité pour les personnes souhaitant en bénéficier.
Le registre BETTER montre que les personnes vivant avec le DT1 adoptent de plus en plus ces systèmes de pancréas artificiels qui, sans offrir une solution à tous les problèmes, sont généralement très appréciés. Nous avons présenté au congrès de Diabète Canada en novembre 2022 les premiers résultats d’une étude montrant que tous les systèmes « commerciaux » disponibles, mais aussi les systèmes « non commerciaux » (DIY) permettent le plus souvent aux utilisateurs d’atteindre un bon contrôle des glycémies.
Référence :
- Sherr, Jennifer L et al. “Automated insulin delivery: benefits, challenges, and recommendations. A Consensus Report of the Joint Diabetes Technology Working Group of the European Association for the Study of Diabetes and the American Diabetes Association.” Diabetologia, 1–20. 6 Oct. 2022, doi:10.1007/s00125-022-05744-z

Écrit par: Sarah Haag RN. BSc.
Révisé par:
- Amélie Roy-Fleming Dt.P., EAD, M.Sc.
- Rémi Rabasa-Lhoret, MD, Ph. D.
- Claude Laforest, Marie-Christine Payette, Michel Dostie, patients-partenaires du projet BETTER
Révision linguistique réalisée par: Marie-Christine Payette