On ne le dira jamais assez : bouger régulièrement est important et encore plus pour les gens qui vivent avec le diabète de type 1 (DT1) particulièrement les enfants et les adolescents. L’activité physique contribue en effet au bien-être et peut aider à maintenir un poids santé. Chez les personnes qui vivent avec le DT1, elle permet aussi au corps de mieux réagir à l’insuline (ce qu’on appelle la sensibilité à l’insuline) réduisant ainsi les doses requises. L’activité physique pourrait également diminuer le risque de complications cardiovasculaires (p. ex., infarctus).
En revanche, l’exercice physique – en particulier les activités de faible à moyenne intensité et de longue durée (p. ex., marche ou vélo sans sprints ou grandes côtes) – peut faire baisser la glycémie et provoquer des hypoglycémies. Les hypoglycémies peuvent survenir pendant l’activité (quand les muscles consomment du sucre), mais aussi de nombreuses heures après l’activité (quand l’organisme reconstitue ses stocks de sucre). Une étude canadienne récente a rapporté que 49 à 61 % des adultes actifs font fréquemment des hypoglycémies en lien avec l’exercice physique (pendant l’exercice, juste après ou durant la nuit qui suit).
Ces épisodes sont souvent difficiles à anticiper et la peur qu’ils surviennent peut décourager plusieurs enfants et adultes vivant avec le DT1 à pratiquer un sport.
Et si on pouvait mieux prédire ce risque d’hypoglycémie et fournir des stratégies efficaces pour limiter la baisse du glucose sanguin pendant et après une randonnée ou une joute de tennis? Ce défi a été en partie relevé par des chercheurs américains et canadiens.
L’intelligence artificielle peut prédire le risque d’hypoglycémie avant une activité physique
En intégrant les données de 8 827 séances d’exercice (d’une durée comprise entre 20 et 90 min) effectuées par 459 patients adultes vivant avec le DT1 dans un modèle d’intelligence artificielle, des scientifiques ont réussi à prédire environ trois fois sur quatre le risque d’hypoglycémie pendant la pratique d’une activité physique. Autrement dit, lorsque le système intelligent prévoyait la survenue d’une hypoglycémie avant le début d’une séance d’exercice, cela s’est effectivement produit dans 77 % des cas. Ce modèle de prédiction pourrait éventuellement être inclus dans les systèmes d’administration de l’insuline en boucle fermée (ou pancréas artificiels) ou dans une application mobile.
Comment ça marche? Des algorithmes (calculs mathématiques) peuvent identifier la plupart des types d’activités physiques par la surveillance continue de la fréquence cardiaque et/ou l’utilisation de capteurs spécifiques (p. ex., intégré dans un téléphone cellulaire ou une montre intelligente). Le système est ensuite capable d’appliquer automatiquement, ou de suggérer, des stratégies pour anticiper et gérer le risque d’hypoglycémie en tenant compte des paramètres personnalisés de l’utilisateur (p. ex., doses d’insuline, heure du dernier repas, estimation de l’insuline active [part de l’insuline qui a été donnée et qui n’a pas terminé son action], glycémie actuelle ou encore type, durée ou intensité de l’activité).
Lorsqu’ils sont intégrés dans les pompes à insuline, les algorithmes intelligents pourraient décider de diminuer ou de suspendre l’administration de l’insuline ou encore suggérer à la personne de prendre une certaine quantité de glucides et/ou un moment pour les prendre. Le système pourrait éventuellement aussi administrer de mini doses de glucagon (pompes à double hormone en développement).
Pour les personnes qui utilisent les injections d’insuline, une application mobile pourrait, par exemple, leur suggérer de prendre une quantité donnée de glucides ou de modifier la dose d’insuline selon le type d’activité physique prévu.
Le type d’exercice, la glycémie et l’insuline active avant l’activité influencent le risque d’hypoglycémie
Dans le cadre de leurs analyses des périodes d’exercice suivies par les participants, ces mêmes chercheurs ont observé un lien entre le type d’exercice et le risque d’hypoglycémie.
- Les exercices aérobiques libres (ou non structurés) comme la marche, la randonnée ou le travail physique sont associés à un risque plus élevé d’hypoglycémie.
- Les exercices structurés comme des séances d’aérobie (p. ex., jogging, vélo, natation), des exercices de résistance (p. ex., musculation) ou des exercices par intervalles (p. ex., série de sprints) en suivant une vidéo d’entraînement, sont associés à une plus faible probabilité de faire une hypoglycémie. Il est probable toutefois que les participants aux activités physiques structurées étaient mieux préparés (vérification de la glycémie, prise de glucides, baisse de l’insuline) et plus conscients de la probabilité de faire une hypoglycémie que ceux qui se sont adonnés à une activité non structurée.
Les chercheurs ont aussi observé que certains paramètres de la glycémie ainsi que la quantité d’insuline active font augmenter le risque d’hypoglycémie :
- Lorsque la glycémie est plutôt basse ou en baisse avant de débuter l’activité physique.
- Lorsque le temps passé en hypoglycémie (en bas de 3,9 mmol/L) dans les 24 heures précédant l’exercice est élevé.
- Lorsqu’il y a beaucoup d’insuline active dans le corps au moment de débuter l’activité physique (celle-ci est estimée et affichée sur les pompes).
D’autres facteurs à considérer pour mieux prédire et réagir
Pour atteindre une plus grande précision quant à la prédiction de l’hypoglycémie, les algorithmes devront toutefois considérer certains autres facteurs liés à la pratique même de l’exercice physique tels que l’intensité, l’évaluation de l’effort perçu, le stress de la compétition. D’autres études sont donc nécessaires avant de pouvoir introduire les modèles de prédiction dans les pompes à insuline ou une application mobile.
Références :
- Bergford, S. et al. (2023). The type 1 diabetes and Exercise Initiative: predicting hypoglycemia risk during exercise for participants with type 1 diabetes using repeated measures random forest. Diabetes technology and therapeutics, 25(9). DOI: 10.1089/dia.2023.0140. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37294539/
- Paiement K. et al. (2022). Is better understanding of management strategies for adults with type 1 diabetes associated with a lower risk of developing hypoglycemia during and after physical activity? Can J Diabetes, 46(5): 526–534. https://www.canadianjournalofdiabetes.com/article/S1499-2671(22)00021-1/fulltext
- Brazeau A-S., et al. (2008). Barriers to physical activity among patients with type 1 diabetes. Diabetes Care, 31(11): 2108–2109. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2571055/

Écrit par : Nathalie Kinnard, rédactrice scientifique et assistante de recherche
Révisé par :
- Sarah Haag, RN., BSc.
- Rémi Rabasa-Lhoret, MD, PhD
- Anne-Sophie Brazeau, Dt.P., PhD
- Domitille Dervaux, Sonia Fontaine, Claude Laforest, Aude Bandini, Eve Poirier, Jacques Pelletier, patients partenaires du projet BETTER
Révision linguistique réalisée par : Marie-Christine Payette