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Le diabète de type 1, un facteur de risque pour les troubles des conduites alimentaires

Le risque de développer un trouble des conduites alimentaires (p. ex. anorexie, boulimie) et des comportements alimentaires problématiques (p. ex. sauter des repas ou sensation de perdre le contrôle) est plus élevé chez les personnes vivant avec le DT1 que dans le reste de la population. Ceci s’expliquerait en partie par l’attention particulière qui doit constamment être portée à l’alimentation. 

Ainsi, les adolescentes et les jeunes femmes vivant avec le DT1 ont deux fois plus de risques de développer des troubles des conduites alimentaires (TCA) que celles qui ne vivent pas avec cette condition. D’après les études les plus récentes, 10 % des adolescentes vivant avec le DT1 ont un diagnostic de TCA. En comparaison, ce taux est de 4 % dans la population adolescente générale. 

Un problème de santé mentale qu’il faut dépister rapidement

Selon Anorexie et boulimie Québec (ANEB), un organisme communautaire de soutien, les troubles du comportement alimentaire sont des désordres complexes, principalement caractérisés par des comportements alimentaires anormaux et répétés, une crainte intense de prendre du poids et une grande préoccupation par rapport à l’image corporelle.

Les manifestations d’un trouble du comportement alimentaire peuvent apparaître dès l’enfance, de façon souvent insidieuse. Cela peut commencer notamment par le refus de prendre des collations, une diminution de l’appétit et un changement des goûts et des habitudes alimentaires (p. ex. ne plus vouloir manger de dessert soudainement). Parfois, l’apparition de ces troubles peut être masquée par des revendications de choix alimentaires éthiques ou médicaux (p. ex. véganisme, diète cétogène).

Il peut être difficile de dépister ce genre de trouble, car la personne peut ne pas s’en rendre compte elle-même, ou encore essayer de le nier ou le dissimuler aux autres.

Dans un contexte de DT1, les signes suivants (en plus de ceux liés à l’alimentation) devraient faire penser à un TCA : une hémoglobine glyquée élevée de façon prolongée ou inexpliquée, ​​des hypoglycémies récurrentes liées à l’exercice physique, des hyperglycémies persistantes le matin ou des épisodes répétés d’acidocétose diabétique même non sévère, ou une grande variabilité glycémique inexpliquée.

« Oublier » de prendre de l’insuline pour perdre du poids

Il existe un trouble alimentaire propre aux personnes vivant avec le DT1 qui se manifeste principalement par une omission volontaire d’insuline pour perdre du poids. Certaines personnes nouvellement diagnostiquées font en effet un lien entre l’insuline et la prise de poids, notamment parce que le traitement à l’insuline leur a fait reprendre les kilos perdus par l’hyperglycémie liée au DT1 non diagnostiqué. Dans certains cas, cette autorestriction insulinique se combine avec la présence de crises de boulimie et on parle alors de diaboulimie

Selon différentes études, de 10 à 20 % des filles au milieu de l’adolescence, et de 30 à 40 % des filles en fin d’adolescence et des jeunes femmes adultes sautent ou diminuent parfois délibérément leurs doses d’insuline pour contrôler leur poids. En effet, sans insuline, le sucre présent dans le sang n’entre pas dans les cellules. Le corps doit alors notamment utiliser le gras comme source d’énergie, en plus d’éliminer le sucre sanguin par les urines, ce qui finit par provoquer une perte de poids. Cette stratégie n’est pas recommandée, car elle entraîne de sérieuses conséquences : des hyperglycémies fréquentes, de la fatigue chronique, des infections urinaires à répétition et un risque accru de complications aiguës (p. ex. hospitalisations pour acidocétose, soit une concentration dangereuse de cétones dans le sang) et chroniques (p. ex. dommages aux yeux ou aux reins) qui apparaissent de façon précoce.

Une analyse des données de 1 041 participants adultes au registre BETTER a montré que 7,2 % d’entre eux déclarent oublier intentionnellement de s’injecter de l’insuline pour perdre du poids. Parmi les participants qui ont rapporté ce comportement, la très grande majorité (93,2 %) s’identifie au genre féminin. Ces participants étaient également plus jeunes au moment du diagnostic de DT1, que ceux qui n’ont jamais intentionnellement oublié des doses d’insuline pour contrôler leur poids. D’ailleurs, le sexe féminin, la détresse liée au diabète et le fait d’avoir d’importantes fluctuations du poids sont tous des facteurs de risque de ce comportement.

Quand bien manger devient une obsession

Un autre trouble du comportement alimentaire appelé orthorexie touche plusieurs personnes vivant avec le DT1, soit environ 13,4 % des adultes et jusqu’à 81,3 % des enfants et adolescents, comparativement à 1 à 7 % de la population générale. L’orthorexie se définit comme une obsession pour la nourriture saine (ou bonne pour la santé) et une angoisse, voire une peur, de manger des aliments malsains. L’alimentation devient dictée par des règles rigides et inflexibles, établies parfois sur des perceptions déformées ou des fausses croyances (p. ex. les biscuits sont mauvais pour la santé et il ne faut pas en manger). 

En plus de nuire à la gestion du diabète, ce trouble cause une détresse émotionnelle, de l’anxiété, des problèmes de concentration et un sentiment de culpabilité parce que la personne n’est jamais satisfaite de la qualité de son alimentation.

Trouver du soutien pour surmonter les TCA 

Si vous pensez avoir une relation difficile avec la nourriture, n’hésitez pas à en parler à vos proches et votre équipe de soins. Il n’est pas nécessaire d’attendre que cette relation difficile devienne une souffrance ou qu’elle corresponde exactement aux troubles décrits ci-dessus pour en parler. Les études qui ont suivi des gens avec des TCA sur de longues périodes montrent que plusieurs se rétablissent et retrouvent une relation saine avec l’alimentation. Les traitements sont surtout basés sur des interventions psychologiques, comme les thérapies cognitives et comportementales (TCC) pour modifier les croyances erronées sur le poids et la nourriture et instaurer de nouvelles habitudes alimentaires.

Il existe également différentes ressources pour vous informer et trouver du soutien. En voici quelques-unes :

Pour aller plus loin, voir ou revoir le webinaire de Sylvain Iceta « La relation saine à l’alimentation et diabète de type 1 : est-ce possible ? »

 

Références :

FRDJ. Santé mentale et le diabète de type 1. Page consultée le 24 octobre 2023. https://www.frdj.ca/vivre-avec-le-dt1/sante-mentale-et-le-diabete-de-type-1/

South, C. et al. (2023). Factors associated with intentional insulin omission to lose weight in people with type 1 diabetes: a BETTER registry analysis. Abstracts in Can. J. Diabetes 47, S83-S126. Article à être publié.

Iceta, S. (2022). Étude des caractéristiques de l’orthorexie mentale dans la population vivant avec le diabète de type 1 (Santal-DT1). Good Clinical Practice Network. Page consultée le 7 novembre 2023. https://ichgcp.net/fr/clinical-trials-registry/NCT05546281

Darmon, P. et al. (2021). Troubles des conduites alimentaires et diabète de type 1 : une relation complexe. Médecine des maladies métaboliques 14(4), 369-364. https://doi.org/10.1016/j.mmm.2021.04.012

Darmon, P. (2018). Conduites alimentaires : la diaboulimie de l’adolescente. Le Quotidien du médecin 9688. https://www.sfdiabete.org/mediatheque/kiosque/articles-qdm/conduites-alimentaires-la-diaboulimie-de-ladolescente

Diabètes Canada (2014). Diabète et santé mentale. Document consulté le 24 octobre 2023. https://guidelines.diabetes.ca/cdacpg/media/documents/patient-resources/fr/Diabetes_and_Depression_FR_FINAL_June14_2014.pdf

Leroux, C. et Bouchard, C. (hiver 2020-2021). Comportements alimentaires problématiques et diabète de type 1. Plein soleil. https://type1better.com/wp-content/uploads/2020/12/2020_PS4_IRCM.pdf

Écrit par : Nathalie Kinnard, rédactrice scientifique et assistante de recherche

Révisé par :

  • Sarah Haag, R.N., B. Sc.
  • Rémi Rabasa-Lhoret, M.D., Ph. D.
  • Anne-Sophie Brazeau, Dt. P., Ph. D.
  • Sylvain Iceta, M.D., Ph. D., chercheur, Université Laval
  • Courtney South, M. Sc., étudiante au doctorat en nutrition, Université McGill
  • Ande Bandini, Michel Dostie, Claude Laforest, patients partenaires du projet BETTER

Révision linguistique réalisée par : Marie-Christine Payette

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