À partir du moment où il a reçu son diagnostic de diabète de type 1 (DT1) à l’âge de 6 ans, Vincent n’a soudainement plus été invité aux fêtes d’anniversaire de ses amis. Pourtant, avant cela, les invitations pleuvaient. Plus tard, sa maman a en partie compris pourquoi : les amis de Vincent croyaient qu’il ne pouvait pas être éloigné de ses parents plus d’une heure à cause de la surveillance de sa glycémie (taux de sucre dans le sang) et des injections d’insuline.
À force de discuter avec d’autres parents et le personnel de l’école, elle a réalisé que le DT1 était une condition très mal comprise et associée à beaucoup de préjugés. Par exemple, certaines personnes croient à tort que le DT1 est le résultat de mauvaises habitudes de vie ou d’une consommation excessive de sucre, ou encore que les enfants qui vivent avec le DT1 ne peuvent pas manger de gâteau d’anniversaire ou de bonbons.
De nombreux mythes de ce genre circulent dans la sphère publique et sont parfois véhiculés par les médias ou encore dans des émissions de télévision ou des films. On peut les retrouver dans les discussions personnelles, ce qui contribue à créer et à entretenir un environnement qui peut être hostile, voire stigmatisant, pour les jeunes vivant avec le DT1 et leurs parents.
La plupart des jeunes vivant avec le DT1 se sentent jugés
Selon une étude canadienne, environ les deux tiers des adolescents et des jeunes adultes vivant avec le DT1 affirment vivre de la stigmatisation. Parmi ceux-ci, une majorité s’identifie au genre féminin.
Les analyses des données de 641 participants du registre BETTER démontrent que le sentiment de stigmatisation est particulièrement élevé chez les personnes âgées de 14 à 24 ans.
- 90 % des 14 à 18 ans se sentent jugés lorsqu’ils mangent des aliments ou des boissons sucrés. La proportion est de 80 % pour les plus de 18 ans.
- 81 % des adolescents (14 à 18 ans) et 83 % des jeunes adultes (19 à 24 ans) reçoivent des remarques sur ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas faire à cause du diabète.
- 81 % des adolescents (14 à 18 ans) se sentent jugés comme irresponsables si leur glycémie n’est pas dans la cible.
- Le blâme et le jugement sont les deux formes de stigmatisation les plus vécues par les 14 à 24 ans.
Reconnaître la stigmatisation chez les jeunes
La stigmatisation peut prendre plusieurs formes : l’exclusion, le rejet, la discrimination, les reproches, les préjugés, le jugement. Elle peut provenir de plusieurs personnes dans l’entourage des jeunes, que ce soit des amis, des professeurs, de l’équipe de soins, de leur employeur ou des membres de la famille.
Selon des témoignages recueillis dans le cadre de l’étude canadienne sur le stigma et le DT1, les jeunes sont victimes de beaucoup de préjugés basés sur la confusion fréquente entre le DT1 et le DT2. D’autres se sentent jugés par leur médecin ou leur entourage, lorsque ceux-ci ne sont pas satisfaits du résultat de l’hémoglobine glyquée.
Les jeunes rapportent également vivre de la stigmatisation dans leur milieu scolaire. Par exemple, en 6e année, Vincent s’est déjà fait dire que s’il ne gérait pas mieux sa glycémie (c’est-à-dire ne pas faire d’hypoglycémies), il ne pourrait pas accompagner sa classe à la prochaine sortie scolaire. Plusieurs jeunes font également face à des professeurs qui se plaignent des alarmes des lecteurs de la glycémie en continu ou des pompes à insuline. D’autres racontent ne pas avoir reçu de bonbons en récompense comme les autres élèves, car le sucre est « l’ennemi du diabète ». Finalement, la présence d’un parent est souvent exigée pour que l’enfant vivant avec le DT1 puisse participer à une sortie scolaire.
La stigmatisation nuit à la gestion du diabète
La stigmatisation, qu’elle touche les parents ou les jeunes, peut vraiment nuire à la gestion du diabète. Des chercheurs australiens ont rapporté que le sentiment de discrimination pouvait créer ou augmenter la gêne que certains jeunes ressentent envers leur condition (gênés d’être différents, de devoir porter des dispositifs, d’avoir des alarmes qui sonnent). Certains pourraient alors ne pas, ou ne plus, vouloir surveiller leur glycémie en classe ou au travail, par exemple.
Également, les chercheurs canadiens ont observé que, parmi les jeunes se sentant stigmatisés, il y avait un plus grand risque d’avoir une hémoglobine glyquée en haut de 9 et d’avoir fait des hypoglycémies sévères dans la dernière année.
Les parents sont aussi visés
Il n’y a pas que les jeunes qui vivent de la stigmatisation, leurs parents aussi. Ces derniers doivent faire face à de nombreux jugements, préjugés ou fausses croyances. Voici quelques exemples qu’entendent souvent les parents qui ont un enfant vivant avec le DT1, et ce, peu importe l’âge du jeune :
- « Votre enfant devait manger trop de sucre quand il était petit, c’est sûrement pour cette raison qu’il a le diabète. »
- « Vous devez avoir pris des médicaments pendant votre grossesse pour que votre jeune ait le diabète. »
- « Votre enfant a vraiment besoin de toute cette insuline? J’ai lu qu’il y avait d’autres moyens pour traiter le diabète. »
- « Non, pas possible de former le chauffeur d’autobus, il appellera l’ambulance si votre enfant est en hypo! Sinon, vous pouvez former un autre élève dans le bus pour gérer le diabète de votre enfant. »
- « Ah non, pour le camp, désolée, mais votre enfant ne pourra pas y aller. S’il fait une hypo, cela va pénaliser les autres élèves qui vont devoir attendre avant ou pendant une activité (baignade ou sport). »
- « Je n’ai pas prévu de dessert pour votre jeune, puisqu’il a le diabète. »
- « C’est plate pour vous et votre enfant qu’il ait le diabète. Mais ça finit par disparaître en grandissant hein? »
Se protéger de la stigmatisation
La maman d’un enfant vivant avec le DT1 racontait récemment qu’elle se sentait frustrée et blessée par les commentaires stigmatisants qu’elle et son enfant recevaient peu après le diagnostic. Avec le temps, elle s’est habituée et arrive à ne plus prendre ces remarques de façon personnelle, et même à les ignorer. Quand elle le peut, elle essaie même de répondre et de corriger son interlocuteur en lui donnant des explications claires et concrètes sur le DT1.
Que vous soyez un jeune qui vit avec le DT1 ou un parent, vous pouvez vous protéger de la stigmatisation et la réduire. Voici quelques pistes :
- Rappelez-vous que le diabète ne vous définit pas ou ne définit pas votre enfant.
- Prenez soin de votre santé mentale : n’hésitez pas à consulter des professionnels de la santé mentale, spécialisés en DT1.
- N’hésitez pas à donner des explications sur le DT1 à votre entourage afin de réduire l’incompréhension et les préjugés : vous pouvez même faire de courtes présentations ou des ateliers à votre école ou dans votre milieu de travail.
- Échangez avec des personnes qui vivent la même réalité : il existe plusieurs groupes de soutien pour les jeunes et les parents.
Les chiffres sur la stigmatisation démontrent l’importance de parler davantage du diabète de type 1 et d’épauler les jeunes et leur famille.
L’information est l’une des clés pour combattre la stigmatisation! En plus des renseignements (chiffres, textes de blogue, outils) se trouvant sur notre site, une partie des données recueillies par le registre BETTER est utilisée pour mettre en lumière la stigmatisation tout en sensibilisant le grand public à la vie des Canadiens vivant avec le DT1. Participez si ce n’est pas déjà fait!
Références :
- Browne, Jessica L., et al. (2014). I’m not a druggie, I’m just a diabetic: a qualitative study of stigma from the perspective of adults with type 1 diabetes. BMJ Open 4(7). https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25056982/
- FRDJ Canada. Parlons DT1: le stigma et le DT1. Webinaire diffusé le 23 février 2023. https://www.youtube.com/watch?v=13YG6wzjqDw
- Brazeau, A.-S. (2018). Stigma and Its Association With Glycemic Control and Hypoglycemia in Adolescents and Young Adults With Type 1 Diabetes: Cross-Sectional Study. J Med Internet Res 20(4), e151. doi: 10.2196/jmir.9432

Écrit par : Nathalie Kinnard, rédactrice scientifique et assistante de recherche
Révisé par :
- Sarah Haag, RN. BSc.
- Rémi Rabasa-Lhoret, M. D., Ph. D.
- Anne-Sophie Brazeau, Dt. P., Ph. D.
- Asmaa Housni, étudiante à la maîtrise en nutrition, Université McGill
- Aude Bandini, Michel Dostie, Jacques Pelletier, Claude Laforest, Marie-Christine Payette, patients partenaires du projet BETTER
Révision linguistique réalisée par : Marie-Christine Payette
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