En plus de vivre avec la charge importante que représente le traitement du diabète de type 1(DT1), les personnes qui vivent avec cette condition reçoivent régulièrement des commentaires ou des suggestions non sollicitées, en lien avec leur santé, de la part de leur entourage, des professionnels de la santé et même parfois d’autres personnes vivant avec le DT1. Si ces interventions sont pour la plupart motivées par de bonnes intentions, il n’en reste pas moins que cela peut-être irritant pour la personne qui les reçoit. Les représentations inexactes du DT1 se retrouvent également dans les médias (p.ex. presse, séries TV), et renforcent l’impression de stigmatisation. Dans un précédent article en lien avec les données du registre BETTER, nous avions évoqué les commentaires infondés qui laissent entendre que c’est de la faute de la personne si elle vit avec cette condition.
Vivre avec le DT1 expose malheureusement à un risque accru de multiples complications (p.ex l’atteinte des yeux, des nerfs, des reins et du cœur). Certaines études montrent cependant qu’il est possible de diminuer la survenue ou l’aggravation de complications grâce à un bon contrôle des glycémies.
Ces complications liées au diabète et leur prévention sont un autre exemple de sujets sur lesquels on entend souvent des discours culpabilisants. En effet, ces discours impliquent couramment l’idée sous-jacente selon laquelle la survenue de complications serait la faute de la personne qui n’aurait pas fait ce qu’il faut pour les éviter. On lui reproche ainsi implicitement de ne pas avoir écouté son équipe de soins, de n’avoir pas bien suivi les recommandations, d’être paresseuse, négligente, ou de ne pas avoir adopté de saines habitudes de vie, etc. Peut-on imaginer entendre de tels discours sans ressentir de la honte, de la frustration et de la culpabilité?
Deux personnes vivant avec le DT1, Renza Scibilia et Chris Aldred, ont voulu ouvrir la discussion sur le sujet des complications. En 2018, elles ont commencé à partager leur expérience sur les réseaux-sociaux sous le hashtag #TalkAboutComplications (Parlons Des Complications). Ce mouvement a pris rapidement de l’ampleur, montrant ainsi le besoin de nombreuses personnes vivant avec le DT1 de pouvoir parler de leurs complications sans être immédiatement jugées pour cela.
Ce qui ressort le plus souvent des échanges auxquels cette discussion a donné lieu est le sentiment de honte et de culpabilité que ressentent les personnes vivant avec le DT1, suite à des commentaires des professionnels de la santé concernant le développement d’une complication. Comme mentionné plus haut, ces commentaires peuvent également venir de l’entourage, être relayés par les médias ou encore par d’autres personnes vivant avec le DT1. Or les complications du diabète ne sont pas le résultat de paresse ou de négligence, mais bien du diabète lui-même.
Voici 3 idées fausses que l’on retrouve au sujet des complications.
Idée fausse #1 : Les complications sont le résultat du fait que la personne n’a pas bien pris soin d’elle-même
Affirmer que les complications sont nécessairement de la faute de la personne, c’est omettre à quel point vivre avec le DT1 demande un effort constant et que, même en travaillant fort pour réguler la glycémie et se maintenir en bonne santé, il est tout simplement impossible d’atteindre une glycémie «parfaite» en tout temps, même avec les traitements actuels.
En effet, il existe plus de 42 facteurs qui ont un impact sur la glycémie, et certains d’entre eux échappent complètement au contrôle de l’individu (p.ex. hormones, température). Les chercheurs ne sont d’ailleurs pas capables d’expliquer pourquoi lors de deux journées identiques (mêmes repas, même dépense énergétique, etc.), la glycémie n’est pas la même.
De plus, d’autres facteurs environnementaux (p.ex. la capacité de la personne à surmonter des défis, ses connaissances et ses ressources) peuvent également jouer un rôle sur les actions que la personne entreprend pour se maintenir en bonne santé. Par exemple, une personne qui a des problèmes pour se loger ou qui traverse un épisode de dépression aura beaucoup de mal à mettre la gestion du DT1 au sommet de ses priorités.
Grâce à la participation de nombreuses personnes au registre BETTER, nous avons pu, par exemple, montrer que le statut socio-économique et le risque de développer des complications sont liés. On observe en effet davantage de complications chez les personnes ayant un faible revenu, et ne bénéficiant pas d’assurances privées. Si l’étude ne permet pas d’affirmer les causes de ces inégalités, on peut cependant supposer que les personnes ayant un statut socio-économique plus faible, ont plus difficilement accès aux traitements les plus efficaces et/ou rencontrent des obstacles dans leur vie de tous les jours qui limitent leur capacité à utiliser ces options de manière optimale, et ce, tant pour des raisons économiques que culturelles.
Idée fausse #2: Tous les problèmes de santé sont liés au diabète.
Le DT1 n’est pas responsable de tous les maux! Même si de nombreux organes peuvent être affectés par le DT1, celui-ci n’est pas forcément la cause de tous les problèmes de santé qui peuvent survenir.
Prenons l’exemple des personnes qui ne vivent pas avec le diabète. Malgré une glycémie normale, ces dernières peuvent aussi avoir des problèmes cardiovasculaires (p.ex. infarctus), ou une rétinopathie (atteinte des yeux), etc.
Ainsi, quand un problème de santé survient chez une personne qui vit avec le DT1, on ne peut jamais être absolument certain que c’est à cause du diabète, et ce, même si les glycémies n’atteignent pas les cibles recommandées. Il est vrai que, comme l’ont montré des études d’envergure, une glycémie qui s’approche le plus souvent possible de ces valeurs-cibles est associée à une nette diminution des risques de complications du diabète. Il existe de plus, des traitements et des technologies qui permettent actuellement de se rapprocher de telles valeurs comme jamais auparavant.
Cependant, même une personne avec une gestion «parfaite» de ses glycémies, n’a pas de garantie que les problèmes de santé resteront toujours à l’écart (comme tout individu vivant sans diabète). Les professionnels de santé ont notamment trop souvent l’habitude de ramener tous les problèmes de santé au DT1, sans prendre le temps d’explorer les autres causes possibles.
Idée fausse #3: Craindre les complications motive à les éviter
Si certaines personnes parviennent à faire abstraction des commentaires et de l’avis des autres, voire y trouvent une motivation supplémentaire pour se surpasser et prouver leur force, ce n’est pas le cas de tout le monde, ni pour toujours. Fondamentalement, toutes les personnes souhaitent être en bonne santé et éviter les complications liées au diabète. Pour certaines d’entre elles, la peur de développer des complications n’est pas source de motivation, mais au contraire, de découragement ou de sentiment d’impuissance. Enfin, la peur de faire l’objet de jugements et de se sentir humiliées peut conduire les personnes à ne pas consulter leur professionnel de la santé, et à ne pas se rendre à leur rendez-vous médical. Les potentielles complications du DT1 qui les affectent risquent alors de ne pas être diagnostiquées ni traitées adéquatement et devenir alors plus sévères.
Dès que le diagnostic de DT1 est posé, les professionnels de santé informent les personnes vivant avec le DT1 ou leur famille du risque de complications à long terme. Le langage utilisé pour en parler donne parfois à ces dernières le sentiment de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et d’être ainsi constamment en danger. Ceci ajoute un stress supplémentaire au fardeau quotidien que représente la prise en charge de la maladie.
Si la gestion des glycémies est au centre des actions, il existe cependant d’autres moyens pour prévenir et faire face aux éventuelles complications (p.ex. dépistage, traitements additionnels, modification du mode de vie).
Les discours et commentaires culpabilisants ne font qu’accroître l’anxiété, le stress et la peur qu’inspire la perspective de développer ou de vivre avec des complications à long terme. Il est donc important de revoir les discours de prévention pour éviter qu’ils ne soient contre performants. Soutenir sans nuance que les complications sont toujours évitables peut donner aux personnes le sentiment d’être coupables si une complication se développe. La manière de parler des complications doit donc changer afin que les personnes puissent se sentir encouragées à en parler et à trouver de l’aide si elles en ont besoin.
Références:
- Diatribe Learn, «Talking About Complications», consulté le 23 juin 2022, https://diatribe.org/talking-about-complications
- Scibilia R, Aldred C. #TalkAboutComplications BMJ 2019; 364 :k5258 doi:10.1136/bmj.k5258
- “Diabetes Control and Complications Trial (DCCT): results of feasibility study. The DCCT Research Group.” Diabetes care vol. 10,1 (1987): 1-19. doi:10.2337/diacare.10.1.1

ÉCRIT PAR: Sarah Haag RN. BSc.
RELECTURE:
- Amélie Roy-Fleming Dt.P., EAD, M.Sc.
- Rémi Rabasa-Lhoret, MD, Ph. D.
- Anne-Sophie Brazeau RD, Ph. D.
- Aude Bandini, patiente-partenaire, vit avec le DT1 depuis 1991
- Jacques Pelletier, patient-partenaire, vit avec le DT1 depuis 1978
- Sonia Fontaine, patiente-partenaire, vit avec le DT1 depuis 2000
- Marie-Christine Payette, patiente-partenaire, vit avec le DT1 depuis 1988
- Michel Dostie, patient-partenaire, vit avec le DT1 depuis 1991
- Eve Poirier, patiente-partenaire, vit avec le DT1 (LADA) depuis 2018
- Claude Laforest, patient-partenaire, vit avec le DT1 depuis 1984
- Laurence Secours, patiente-partenaire, vit avec le DT1 depuis 1994