La gestion de la glycémie (taux de sucre dans le sang) chez les personnes qui vivent avec le diabète de type 1 (DT1) est tout un défi. En effet, pas moins de 42 facteurs influencent la glycémie, dont certains sur lesquels il est difficile, voire impossible d’agir (p.ex. variations hormonales, maladies, chaleur, froid)
Saviez-vous que l’altitude peut également affecter la glycémie? En effet, certaines activités de plein air, comme l’alpinisme, où certaines destinations de voyage peuvent être à une altitude si élevée que la glycémie pourrait s’en trouver affectée.
Le mal des montagnes
Passer rapidement de basse à haute altitude (>3000 mètres) peut entraîner un phénomène appelé le «mal des montagnes». Ce phénomène lié à la diminution en oxygène (hypoxie) peut se manifester sous forme de symptômes tels que:
- essoufflement
- accélération du rythme cardiaque
- nausées
- épuisement
- incapacité de manger
Une ascension trop rapide favorise la survenue du «mal des montagnes». Maintenir un rythme régulier et prendre son temps aide le corps à s’acclimater.Les personnes qui vivent avec le diabète de type 1 ne sont pas plus à risque de vivre ce mal des montagne, mais doivent être vigilantes puisque les symptômes peuvent ressembler à ceux de l’hypoglycémie. En cas de doute, vérifier la glycémie permettra d’identifier l’origine des symptômes et de s’assurer qu’il ne s’agisse pas d’une hypoglycémie.
L’impact sur la glycémie
Peu d’études ont été menées pour comprendre l’impact de la haute altitude sur la glycémie des personnes vivant avec le DT1. Voici ce que nous en savons:
De façon générale, les études semblent montrer que l’arrivée en haute altitude provoque, dans un premier temps, une augmentation de la glycémie. Cet impact s’explique par le manque d’oxygène qui agit comme un stress pour l’organisme et provoque la libération d’hormones (adrénaline, noradrénaline et cortisol). Ces hormones augmentent la libération de glucose (sucre) par le foie d’une part, et diminuent l’efficacité de l’insuline (insulino-résistance) d’autre part.
Cependant, lorsque la haute altitude s’accompagne d’activité physique, l’impact sur la glycémie peut être différent. Les résultats d’une étude récente suggèrent, en effet, que l’activité physique effectuée peu de temps après l’arrivée en haute altitude augmenterait le risque d’hypoglycémie. Les chercheurs ont suivi la glycémie de 7 personnes vivant avec le DT1 avant, pendant et après deux séances de cyclisme en salle, dont l’une simulait le niveau de la mer et l’autre les conditions de haute altitude (4200 m). La glycémie mesurée après l’activité physique en haute altitude était beaucoup plus basse après 1h, et pendant toute la période de récupération.
Certains mécanismes peuvent expliquer cette constatation:
- le glucose est davantage utilisé par certains muscles en raison de l’hypoxie et de l’activité physique
- le glucose s’élimine plus facilement lorsque la personnes est acclimatée
- la suppression de l’appétit est fréquente en altitude et peut mener à une diminution des apports alimentaires
- les symptômes d’hypoglycémie sont difficiles à distinguer du «mal des montagnes».
Se préparer pour une sortie en haute altitude
Partir préparé lors d’une sortie en haute altitude permet d’éviter les mauvaises surprises, et de savoir quoi faire si un problème survient.
De façon générale et en contexte de haute altitude, diminuer les doses d’insuline en cas d’activité physique permet de réduire le risque d’hypoglycémie et serait donc le plus prudent même si cela peut entraîner une hyperglycémie.
Il faut également considérer que l’insuline peut être soumise à d’importantes variations de température. Ces variations (p.ex. température de jour vs de nuit, froid) peuvent avoir un impact sur son efficacité. Pour minimiser ce risque et éviter les chocs thermiques ou le gel, il est recommandé de transporter l’insuline près du corps (p.ex. poche intérieure de manteau). Il en va de même pour les glucides, le glucagon, les fournitures (p.ex lecteur de la glycémie, pompes à insuline), ou encore l’eau.
Les lecteurs de la glycémie en continu peuvent être moins précis en cas de froid. Il est donc préférable d’avoir sur soi deux appareils différents dont au moins un lecteur de la glycémie capillaire.
Il est également déjà arrivé que certaines pompes à insuline délivrent un peu plus d’insuline en haute altitude et dans les avions. Veillez donc à lire le manuel de votre pompe ou consulter le fabricant pour en savoir plus et éviter ce problème.
Enfin, si vous prévoyez une sortie sur plusieurs jours (p.ex. trekking), pensez à prévoir un kit pour faire face à toute éventualité.
Préparation et planification sont probablement les clefs pour réussir une excursion en haute altitude. En cas de voyage, ou d’une sortie sur plusieurs jours, votre équipe de soins pourra vous aider à adapter le traitement. (p.ex. ajustement des doses d’insuline, médicaments pour le «mal des montagnes»)
Le DT1 ne devrait pas être un frein à la réalisation de vos rêves! Même les plus hautes montagnes du monde ont pu être gravies par des personnes vivant avec le DT1. En 2018, Sébastien Sasseville fut le premier Canadien vivant avec le DT1 à parvenir au sommet du Mont Everest (8 850 m).
Références:
- Castillo, Oscar et al. “Residents at high altitude show a lower glucose profile than sea-level residents throughout 12-hour blood continuous monitoring.” High altitude medicine & biology vol. 8,4 (2007): 307-11. doi:10.1089/ham.2007.8407
- Woolcott, Orison O. et al. “Glucose homeostasis during short-term and prolonged exposure to high altitudes.” Endocrine reviews 36 2 (2015): 149-73 .
- De Mol et al., 2014 – Physical activity at altitude: challenges for people with diabetes: a review. Diabetes Care. 2014 Aug;37(8):2404-13. doi: 10.2337/dc13-2302.
- Dugan, Cory W et al. “Effects of simulated high altitude on blood glucose levels during exercise in individuals with Type 1 Diabetes.” The Journal of clinical endocrinology and metabolism, dgab881. 22 Dec. 2021, doi:10.1210/clinem/dgab881
- «Trek, altitude et diabète», World diabetes tour, consulté le 25 janvier 2022, https://worlddiabetestour.org/fr/diabete/trek-altitude-et-diabete