L’hypoglycémie (taux de sucre dans le sang en bas de 4,0 mmol/L) est la complication la plus fréquente et redoutée des personnes qui prennent de l’insuline et probablement l’un des aspects les plus difficiles, stressants et parfois effrayants de la vie avec le diabète de type 1 (DT1). Une étude menée au Québec indique en effet que les personnes qui vivent avec le DT1 évitent ou traitent en moyenne une hypoglycémie deux fois tous les trois jours.
Identifier l’hypoglycémie et la traiter rapidement est donc primordial pour éviter que l’hypoglycémie sévère survienne. Si ce risque est souvent abordé par les équipes de soins lors de l’initiation à l’insuline, rares sont les rappels effectués dans le temps.
Avec le temps et l’habitude, le risque d’hypoglycémie sévère est parfois sous-estimé. Pourtant, l’imprévisibilité des événements de la vie peut, à tout moment, mener à un épisode d’hypoglycémie sévère pour lequel il vaut mieux se préparer.
« Après 20 ans de diabète, mon conjoint gère seul ses hypoglycémies. Dès qu’il me demande de l’aide, je sais que c’est grave. Même si je suis infirmière spécialisée en diabète, les épisodes d’hypoglycémies sévères sont toujours des moments de panique durant lesquels il est facile de perdre ses moyens », témoigne Marie.
Savoir l’identifier et la définir
L’hypoglycémie sévère se produit lorsque la glycémie chute de façon si importante (généralement en bas de 2,8 mmol/L) que l’aide d’une tierce personne est requise pour la traiter. Elle peut s’accompagner de symptômes tels que :
- difficulté à avaler
- confusion
- somnolence
- perte de connaissance
- convulsions
Lors d’une hypoglycémie sévère, des soins sont requis de façon urgente, sans quoi il se peut que la personne perde connaissance ou reste inconsciente : on parle alors de coma hypoglycémique.
Définie pendant longtemps par les professionnels de la santé comme étant une hypoglycémie nécessitant l’aide d’une autre personne, l’utilisation de glucagon, une hospitalisation ou entraînant une perte de conscience, avec une baisse des fonctions du cerveau (p. ex., capacité de réagir), on pourrait donner une définition plus simple à l’hypoglycémie sévère.
« Faible taux de sucre que vous êtes incapable de traiter par vous-même», voilà la définition simplifiée proposée par les patients. Une définition qui serait tout aussi efficace pour identifier l’hypoglycémie sévère et qui pourrait être adoptée par les professionnels de la santé. C’est ce que démontre une étude menée par le biais du registre BETTER et publiée récemment.
L’hypoglycémie sévère englobe donc le fait de demander de l’aide à quelqu’un pour aller chercher quelque chose pour corriger l’hypoglycémie, mais également, la présence de troubles de conscience empêchant la prise d’un traitement par voie orale (par la bouche).
Les lecteurs de la glycémie en continu (Dexcom, Freestyle Libre, Guardian) sont d’excellents outils pour le suivi de la glycémie et offrent, pour la plupart d’entre eux, des alertes permettant de réduire le nombre d’hypoglycémies. Cependant, puisqu’ils mesurent le taux de glucose dans le liquide interstitiel et non dans le sang, ils peuvent détecter l’hypoglycémie avec un peu de retard. Dans certains cas, il peut donc être utile de faire une glycémie capillaire (au bout du doigt) pour préciser/confirmer le diagnostic.
« À l’apparition des premiers symptômes, son lecteur en continu indiquait qu’aucune donnée n’était disponible. Heureusement, nous avions de quoi mesurer sa glycémie au bout du doigt, ajoute Marie, car sa glycémie était déjà rendue en dessous de 2 ».
Comprendre les causes et les facteurs de risques
Les personnes qui ne ressentent pas ou peu les symptômes de l’hypoglycémie et/ou qui ont eu un épisode d’hypoglycémie sévère récemment, sont généralement plus à risque d’avoir un autre épisode d’hypoglycémie sévère.
Les causes de l’hypoglycémie sévère peuvent être diverses :
- trop d’insuline en circulation dans le corps
- quantité de glucides insuffisante (p. ex., repas sauté)
- maladie (p. ex., vomissements, diarrhées)
- activité physique
Se tenir prêt en tout temps
Si la personne est encore capable d’avaler, l’hypoglycémie sévère pourrait être traitée avec des glucides (sucres) pris par voie orale avec l’aide d’une autre personne.
Cependant, si la personne est inconsciente ou incapable d’avaler, il faudra alors qu’une personne de l’entourage administre du glucagon pour traiter l’hypoglycémie sévère. Ce traitement d’urgence, qui existe sous forme injectable ou nasale, permet de « relâcher/libérer » toutes les réserves de glucose (sucre) présentes dans le corps et de faire ainsi remonter la glycémie. Il faut parfois attendre 15 minutes pour que la glycémie remonte en haut de 4,0 mmol/L. À noter que le glucagon fonctionne moins bien lorsqu’il y a une consommation importante d’alcool. Il pourrait aussi être un peu moins efficace après une activité physique de très longue durée ou chez les personnes qui suivent une diète cétogène (très faible en glucides).
Bien que l’hypoglycémie sévère soit relativement rare, les personnes qui vivent avec le DT1 devraient en tout temps, transporter du glucagon avec elles et s’assurer que leur entourage sache comment l’utiliser et où le trouver, en cas de besoin.
« J’ai cherché le glucagon partout dans la maison. Il m’a fallu ouvrir plusieurs tiroirs avant de le trouver. J’ai également réalisé que les bandelettes de glycémie étaient expirées et que son lecteur de la glycémie capillaire n’avait pas servi depuis plusieurs mois, voire un an », témoigne Marie.
On peut comparer l’importance d’avoir ce traitement avec soi en tout temps aux coussins gonflables qui sont dans toutes les voitures ou à l’EpiPen que les personnes allergiques ont toujours en leur possession. |
On peut se faire une trousse de dépannage dans laquelle se trouve le glucagon pour s’en servir en cas de besoin. Voici des exemples en fonction du traitement : injections ou pompe à insuline. Avoir du glucagon disponible aux endroits clés (p. ex., maison, travail, chalet) peut aussi être une bonne idée.
« Un jour, un épisode est survenu alors qu’il était en avion, un médecin a été appelé à l’intercom et a pu réaliser une injection de glucagon en plein vol. Depuis, mon conjoint s’est préparé un kit d’urgence qu’il transporte toujours avec lui », ajoute Marie.
Et après l’hypoglycémie sévère?
Puisque l’hypoglycémie sévère est une situation d’urgence où la glycémie est tellement basse que le cerveau manque d’énergie, il faut parfois plusieurs heures pour qu’une personne récupère à la suite d’un épisode.
On recommande à la personne de prendre une collation (environ 20 g de glucides) après avoir repris connaissance et de surveiller sa glycémie de façon rapprochée, de préférence avec une glycémie capillaire. Si du glucagon a été administré, il est possible que la personne présente des symptôme secondaires à son administration, qui disparaitront ensuite avec le temps, tels que :
- fatigue
- nausées
- vomissements
- douleur aux sinus (glucagon nasal)
- réaction allergique et/ou cutanée
- augmentation de la pression sanguine et/ou du pouls
De plus, il est possible que la glycémie augmente au-dessus des cibles recommandées dans les heures qui suivent l’administration de glucagon.
En plus des symptômes physiques, l’hypoglycémie sévère peut être vécue comme un choc, pour la personne elle-même, mais également pour son entourage. En effet, ces épisodes sont souvent décrits comme un moment effrayant, paniquant, alarmant et dangereux devant lequel les personnes, en particulier les aidants, se sentent démunies et pas assez préparées.
« L’hypoglycémie sévère de mon conjoint a été un événement traumatique autant pour lui que pour moi. J’admire sa résilience et le courage dont il fait preuve pour passer à travers tout ça et reprendre sa vie par la suite. De mon côté, il m’a fallu plusieurs semaines avant de cesser d’avoir continuellement peur que cela se reproduise », explique Marie.
Parfois, par honte ou par peur de se sentir culpabilisées en raison des propos et des réactions de leur équipe de soins, les personnes vivant avec le DT1 n’osent pas aborder l’hypoglycémie sévère lors des rendez-vous médicaux.
De leur côté, les équipes de soins devraient entamer des discussions proactives et sans jugement sur l’hypoglycémie, offrir de la formation sur ce qui doit être fait en cas d’hypoglycémie sévère (p. ex., traitement, ressources) et faire des rappels dans le temps pour que les personnes vivant avec le DT1 et leurs aidants soient, en tout temps, prêtes à faire face aux hypoglycémies sévères.
Références :
- Madar, Houssein et al. “Influence of severe hypoglycemia definition wording on reported prevalence in adults and adolescents with type 1 diabetes: a cross-sectional analysis from the BETTER patient-engagement registry analysis.” Acta diabetologica, 10.1007/s00592-022-01987-9. 17 Oct. 2022, doi:10.1007/s00592-022-01987-9
- On ne parle pas assez de l’hypoglycémie sévère!, Type 1 Better, consulté le 7 octobre 2022, https://type1better.com/fr/on-ne-parle-pas-assez-de-lhypoglycemie-severe/
- Pourquoi est-ce important de ressentir les premiers symptômes de l’hypoglycémie?, Type 1 Better, consulté le 7 octobre 2022, https://type1better.com/fr/pourquoi-est-ce-important-de-ressentir-les-premiers-symptomes-de-lhypoglycemie/
- Cours «Comprendre et agir en cas d’hypoglycémie sévère», Plateforme Support, consulté le 7 octobre 2022
- Monographie Baqsimi, consulté le 12 octobre 2022, https://pi.lilly.com/ca/baqsimi-ca-pm.pdf

Écrit par: Sarah Haag RN. BSc.
Révisé par:
- Amélie Roy-Fleming Dt.P., EAD, M.Sc.
- Rémi Rabasa-Lhoret, MD, Ph. D.
- Anne-Sophie Brazeau RD, Ph. D.
- Claude Laforest, Marie-Christine Payette, Sonia Fontaine, Eve Poirier, Michel Dostie, Jacques Pelletier, patients-partenaires du projet BETTER
Révision linguistique réalisée par: Marie-Christine Payette